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Souvenir de Ooga Booga Dreamcast : Du fun, encore du fun, toujours du fun, rien que du fun 

Ooga Booga (OB) Dreamcast s'inscrit dans la droite lignée de Chu Chu Rocket. Il s'agit d'un sympathique jeu d'Action/Stratégie sans prétention, essentiellement axé sur le multijoueur en ligne ou en écran partagé. Les différences majeures entre le titre de Visual Concept (VC) et celui de la Sonic Team résident dans le fait qu'OB se joue en 3D et qu'il dispose d'une bonne dose d'humour, mais surtout d'un exotisme certain.

L'enjeu pour Visual Concepts (le studio à l'origine du projet) et pour SEGA consistait à tirer partie des capacités Online de la console grâce à son modem 56k (ou 33k en Europe) intégré, tout en proposant des affrontements dantesques jusqu'à 4 joueurs en réseau avec un lag minimum. Cela constituait un défi technique que peu de jeux relevèrent à l'aube du second millénaire.

Andrew Leker (Original Idea) : « L'architecture technique provenait d'un jeu multijoueur en ligne peer-to-peer que j'avais précédemment mis au point, appelé Silencer. Nous avons réussi à obtenir un jeu fluide à 24 images par seconde avec une latence de modem de 400 ms pour un maximum de 8 joueurs. L'astuce technique novatrice pour masquer la latence était de montrer l'animation de sortie de l'arme uniquement au joueur local, tandis que les ennemis en ligne ne voyaient que l'arme pointée sur eux avant le coup de feu. Il ne s'agissait PAS d'interpolation. En fait, nous faisions avancer le jeu de 10 images et affichions ce que nous savions qui allait se passer, en fonction du temps pendant lequel l'utilisateur maintenait sa commande avant qu'elle ne soit effectivement utilisée. »

Une jaquette captivante

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L'action de Ooga Booga se déroule sur une île tropicale qui émerge des profondeurs marines à chaque pleine lune. Dans cette aventure multijoueur, le joueur incarne l'un des quatre sorciers Kahuna disponibles dès le début du jeu parmi plusieurs tribus ayant chacune ses forces et ses faiblesses : Les Twitchy, Les Hottie, Les Fattie et Les Hoodoo. Progressivement, le joueur débloque de nouveaux magiciens vaudous comme La Mort, Le Président Abraham Lincoln ou un Leprechaun, pour n’en citer que quelques-uns.

Pour gagner les bonnes grâces de la divinité volcanique Ooga Booga et ainsi éviter une guerre civile inutile tout en assurant la paix sur une terre où la magie règne sans partage, une compétition du genre "Olympique" a été instaurée, menant à une succession d'épreuves tout aussi extravagantes les unes que les autres : Capture De Drapeaux, La Guerre De Tiki, Le Roi De La Colline ou La Chasse Aux Nécrophages.

Par conséquent, quatre indigènes dotés de pouvoirs mystiques participent à des combats de longue haleine qu'ils agrémenteront de boules de feu, de tornades, d'éclairs et de mines. Sans l'ombre d'un doute, La Danse Tiki s'avère l'arme la plus puissante. Elle déclenche des séismes, des pluies de pierres et une multitude d'autres cataclysmes. Il est également question d'enfourcher un phacochère pour engager une course poursuite contre ses assaillants ou de les attaquer depuis les airs en volant à dos d'oiseau.

Humm, quel sorcier choisir...

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Hélas, le lancement de Ooga Booga sur Dreamcast le 13 septembre 2001 aux États-Unis passe inaperçu faute de campagne publicitaire pour le soutenir. Aussi, l'annonce de l'arrêt de la production de la Dreamcast en janvier de la même année n'aide pas le jeu à se vendre. Enfin, l'attentat du World Trade Center survenu quelques jours avant sa sortie sonne le glas de la longévité espérée d'OB. Désormais relégué au second plan dans une conjoncture défavorable à sa réussite commerciale, SEGA décide de ne pas le localiser pour le marché européen et japonais. Pourtant, les critiques saluèrent son Gameplay fluide, sa prise en main immédiate et son ambiance délurée. Les joueurs qui lui avaient donné sa chance y voyaient un petit bijou de folie à plusieurs, parfait pour des soirées conviviales entre amis ou sur Internet !

Michael Biancalana (Artists) : « Peu après la sortie du jeu, SEGA a malheureusement décidé d'abandonner son service en ligne gratuit et de facturer 30 dollars par mois, soit le prix total de notre jeu. Cela a sonné le glas de la Dreamcast et surtout de notre jeu, qui reposait beaucoup sur le mode multijoueur. Sans cela, je suis sûr que beaucoup plus de gens auraient apprécié notre jeu. Il était plutôt sympa, après tout. »

À l'instar de Floigan Bros et ToeJam and Earl III, Ooga Booga Dreamcast reflète l'ambition de Visual Concepts de diversifier son offre de jeux en dehors de ses simulations sportives !

Un développement saupoudré de surnaturel

Ooga Booga Dreamcast découle du projet « Resurrection », un titre programmé pour une compétition de jeux vidéo indépendants à la fin des années 1990. Le concept du prototype initial, un Real-Time Strategy, se base sur des règles de jeu de société au tour par tour dans lequel le joueur contrôle des points stratégiques sur une map. Après une épatante démonstration de « Resurrection » qui conquit le public, il remporte le prix du meilleur Game Design de l'année lors de la première édition de L'Independent Games Festival dans le cadre de la Game Developers Conference de 1999

Une rare photo de Resurrection

Resurrection, un jeu à exhumer

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Andrew Leker : «  Resurrection était un jeu très différent. Il était davantage axé sur la stratégie. Notre première tentative pour l'adapter à la Dreamcast impliquait des héros se déplaçant sur le terrain de jeu. Ils pouvaient s'attaquer les uns les autres, mais leur capacité principale consistait à élever le terrain et à créer des fortifications. Plus la fortification était haute, plus la portée était grande. Le but était de prendre le contrôle du terrain de jeu. »

Visual Concepts, impressionné, prend les devants et engage son créateur Andrew Leker. Considéré comme un spécialiste et un pionnier en conception de jeux Online, il supervisera pour eux le système multijoueur en ligne Netmare utilisé dans les NFL 2K et les NBA 2K Dreamcast. Des clauses de son contrat lui octroient, en plus, une totale liberté pour explorer le concept de son « Resurrection » au sein du studio californien et élargir le développement de son RTS sur son temps de travail. Petit à petit, il évolue vers un jeu parfaitement autonome connu désormais sous le nom de code « Djinn ». Finalement, Andrew compose une petite équipe pour œuvrer sur ce qui deviendra Ooga Booga Dreamcast.

 Michael Biancalana : « J'ai rencontré Andrew Leker vers 1998 (grâce à une annonce dans un journal, croyez-le ou non). Il privilégiait les personnes avec lesquelles il avait déjà travaillé et qui avaient la bonne attitude pour construire quelque chose à partir de zéro. C'est ainsi que j'ai obtenu mon premier emploi officiel dans le domaine des jeux vidéo. Notre équipe de cinq personnes était assez novice en matière de développement de jeux. Nous avons beaucoup appris sur le tas. »

Malheureusement, Resurrection (Djinn) ne s'adapte pas bien à la machine de SEGA. Il n'a jamais été conçu, à l'origine, dans le style d'un jeu Dreamcast, ni développé en tenant compte des capacités hardware de la console. Le jeu nécessite que l’action se déroule sur un terrain dynamique (un terrain déformable) ce que la Dame Blanche ne peut pas calculer facilement pour des raisons techniques, et peine donc à le retranscrire à l'écran. Porter ce jeu à deux joueurs sur Dreamcast se complique. Devant ce premier constat, l'équipe de développement se sent perdue et ne sait plus quelle direction prendre.

Andrew Leker : « Je me souviens avoir eu une idée un soir. Je suis venu travailler le lendemain et j'ai présenté Ooga Booga, l'idée de quatre naufragés contrôlant des insulaires vaudous. Des crânes réduits pour les noix de coco et des batailles magiques pour mener un bon combat. Les idées devaient être simplifiées, mais c'est ce qui a inspiré ce qui est devenu Ooga Booga

Peu de temps après la mise en chantier d'OB, des divergences créatives émergent entre son auteur et la direction de Visual Concepts. Andrew Leker quitte alors VC pour poursuivre sa carrière professionnelle de son côté. L'équipe de développement qu'il avait constituée, des gens pour la plupart sans expérience dans L'Industrie, se voit subitement dépourvue de Leader pour les encadrer dans un studio axé essentiellement sur des simulations sportives. Le travail de Michael Biancalana et de ses collègues sur Ooga Booga aurait pu se terminer à cet instant. Mais, grâce à la détermination de Greg Thomas, un des cofondateurs de Visual Concepts, d'explorer des initiatives novatrices au sein de l'entreprise, OB évite une fin prématurée.

Le logo de Visual Concepts revisité spécialement pour Ooga Booga

Michael Biancalana : « Floigan Brothers était déjà en développement depuis un certain temps et avait rassemblé une équipe importante, sans compter l'incubation de l'équipe de « Toejam & Earl », de sorte qu'il n'y avait pas beaucoup de ressources ou d'attention à consacrer à notre projet. Nous avons donc bénéficié d'une grande liberté et, plutôt que de continuer à développer le même concept de jeu sans Leker pour nous guider, nous avons réfléchi ensemble à la manière de redynamiser le projet et de le faire nôtre. »

En raison de cette mauvaise entame dans la production de Ooga Booga, les développeurs étudient une variété de jeux jouables à plusieurs pour conceptualiser le leur et prendre un nouveau départ. Super Smash Bros attire leur attention et influencera la suite de l'élaboration d'OB. Ce classique de la Nintendo 64 guidera leur réflexion pour créer leur propre expérience multijoueur divertissante et chaotique, accompagnée d'une touche tribale et magique. Sur le plan artistique, ils puisent leur inspiration chez le dessinateur Josh Agle, alias Shag, et de ses peintures Tiki. Après avoir arrêté leurs choix, les Game Artist commencent à esquisser des niveaux avec des enchanteurs sur des îles désertes. L'équipe de développement s'affranchira des codes traditionnels du jeu d'Action en optant pour des personnages caricaturaux et un ton délibérément absurde.

Que les jeux du cirque débute

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Michael Biancalana : « Nous jouions ensemble à Super Smash Bros assez régulièrement pour nous inspirer et créer des liens au sein du groupe. »

Sur cette bonne dynamique, Ooga Booga sur Dreamcast prend forme petit à petit, avec un premier prototype très amusant à jouer sous sa forme embryonnaire. La Team et son nouveau né gagnent en popularité au sein de Visual Concepts, suscitant même l'intérêt de Scott Paterson, le vice-président de l'entreprise, qui était resté en retrait de sa production jusqu'à présent. Galvanisée par le retour des autres employés de VC, l'équipe mène de nombreux tests pour affiner et perfectionner leur bébé dans le but d'obtenir une expérience de jeu optimale.

Michael Biancalana : « Leandro Peñaloza nous a rejoints en cours de route en tant que Directeur Artistique et nous a aidés à tout mettre en place. Le développement s'est déroulé sans encombre. Il a fallu environ un an et demi entre la conception et la sortie du jeu, avec seulement sept développeurs (+2 développeurs audio en prêt). Nous n'avons pas connu de drames majeurs ni de luttes de pouvoir. »

Les attentes de Visual Concepts envers OB restent toutefois modestes. Les pressions sont minimes, bien qu'existantes. Les concepteurs de Ooga Booga rencontrèrent quand même des difficultés pour intégrer des composantes solo dans un jeu pensé pour le multijoueur alors que le développement touchait à sa fin. John Race (Producteur) réussira à inventer une campagne monojoueur en un temps record tandis Evan Harsha (Engineers) implantera l'intelligence artificielle à la dernière minute.

Michael Biancalana : « Tout au long de la durée de vie de « Ooga Booga », j’ai appris que la passion et la collaboration peuvent vous mener bien plus loin que vous ne l’imaginez. Faire partie d’une équipe soudée, avec des objectifs communs et sans ego, était à la fois très amusant et extrêmement productif. Cela reste aujourd’hui l’une de mes plus belles expériences de développement de jeux. »

Le développement de Ooga Booga se termine quasiment en même temps que celui de Floigan Bros Dreamcast. C'est pourquoi VC conclut de fusionner les deux équipes pour n’en former plus qu'une seule de cinquante personnes. Le rôle de cette Team récemment constituée sera de prototyper des jeux non sportifs dans le futur. Elle élaborera des titres attrayants non finalisés tels que Escape from New York (Unreleased), Crazy Taxi (ah bon ?), Mad Max (Unreleased)...

Michael Biancalana : « Nous n'avons pas beaucoup avancé sur Escape from New York. Scott Patterson coordonnait les efforts pour obtenir ces licences, mais plusieurs d'entre elles ont échoué (c'est ainsi que fonctionne ce processus). Pour Mad Max, nous avons créé une courte bande-annonce, et Marc LeBlanc a écrit de toutes pièces un moteur physique permettant de conduire une voiture dans un monde ouvert. Peu après, EA a obtenu les droits lorsqu'ils ont découvert que nous étions en négociation. J'ai fait quelques recherches sur la création de matériel pour Xbox afin de prendre en charge un jeu Crazy Taxi en monde ouvert, mais ce projet n'a pas non plus été approuvé. »

L'habit ne fait pas le moine

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En l'absence d'un prototype Dreamcast de Ooga Booga à dévoiler, le projet de préservation centré sur Visual Concepts méritait tout de même un Making-of et une attention particulière portée à l'histoire du jeu !

Cet article est consacré à l'histoire de Ooga Booga Dreamcast. C'est une annexe à celui consacré au studio Visual Concepts, il aborde les making-of de leurs titres emblématiques, avec des témoignages exclusifs permettant de mettre ceux-ci en perspective ainsi que les prototypes Dreamcast de : Floigan Bros.: Episode 1  - NFL 2K1 - NCAA College Football 2K2 - NBA 2K - NBA 2K1 - NBA 2K2Fantasy Prototype (Proof of Concept) - NHL 2K - NHL 2K2 - World Series Baseball 2K2 - Over The Top Soccer (Unreleased) - ToeJam & Earl III Mission to Earth (Unreleased) - Ooga Booga. Découvrez l'ensemble du projet de préservation consacré à ce talentueux studio affilié à SEGA sur la page d'accueil : [La montée en puissance de Visual Concept durant l'ère  SEGA: Les prototypes et les Making-Of de ses classiques Dreamcast]

Je tiens à remercier, pour leur disponibilité, leur gentillesse, et le fait d'avoir pris le temps de répondre à mes questions Michael Biancalana et Andrew Leker. Leur témoignage  nous permet de mieux cerner l'origine de Ooga Booga et l'histoire de son développement. 

Remerciements :

  • à Sadako Playerone.tv pour la relecture du texte français et sa correction

  • à woofmute pour la traduction anglaise de l'article

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