Red Dog Dreamcast, sur la route d'Argonaut et de ses prototypes !
Développé par Argonaut, ce Shoot en 3D valait surtout pour ses graphismes faisant digne à la Dreamcast mais surtout pour les effets d'explosion et de fumées superbes. L'univers de Red Dog est luxueusement texturé et l'action regorge d'effets visuels renversants. L'objectif consistait à tout défoncer sur son passage, armé de lasers et protégé d'un bouclier.
Matt Godbolt, qui s'est éloigné de l'industrie, met aujourd'hui ses compétences à disposition d'un fonds spéculatif américain. Il avait travaillé comme programmeur sur Red Dog avec Matthew Porter qui, lui, officialise toujours dans le secteur chez Dovetailgames sur des titres de simulation de train. Les 2 compères s'en souviennent comme si c'était hier !
Matt Godbolt : «Red Dog est mon premier vrai jeu, en travaillant avec deux codeurs incroyables (Matt Porter ici, et Saviz Izadpanah aussi). Matt était mon programmeur principal et j'ai encore de très bons souvenirs de ma collaboration avec lui. Je pense que je n'ai pas rejoint le projet avant fin 97 début 98. La première fois que je les ai rencontré, c'était dans la voiture, sur le chemin du siège de SEGA Europe, pour nous présenter ou obtenir les devkits ou quelque chose comme ça.»
Argonaut était un studio de développement britannique qui employait 140 personnes à la fin de la production de Croc 2. L'entreprise était à l'origine de nombreuses réalisations que ce soit sur Playstation, Saturn, Nintendo 64, PC et Dreamcast. Parmi les titres phares de la société anglaise, on en retrouve un, un jeu mythique de la Super Nintendo, précurseur de la 3D temps réel sur console, vendu à 4 millions d'exemplaires : Star Fox !
Matt Godbolt : «Dans le cadre d'une réconciliation entre Argonaut et Nintendo (suite à l'épisode Star Fox), Shigeru Miyamoto est venu au bureau et a joué à plusieurs de nos jeux en cours de développement, dont Red Dog. J'étais l'une des personnes contre qui il a joué en multijoueur, c'est toujours un moment fort de ma carrière, plus de 20 ans après.»
Red Dog et son développement
C'est à la fin de l'année 1997, alors que le travail sur Croc touchait à sa fin et qu'ils attendaient les derniers contrôles XR/TRC (des tests de conformité) de SEGA pour la version Saturn que l'idée de Red Dog est née. Saviz Izadpanah, pendant son temps libre, avait mis au point une démo buguée qui tournait sur son PC, dans les locaux de Colindale (L'adresse exacte pour être précis : 70 Colindale Ave - 70 Colindale Ave, London NW9 5ES, UK.). On y voyait évoluer un buggy traversant un terrain en poly brut.
Matthew Porter : «Il s'agissait d'un prototype amusant qu'il avait mis au point pour s'initier aux contraintes de ressort et à la modélisation de la suspension d'un véhicule. C'était en fait assez proche de ce que nous avons utilisé dans le jeu final.»
L'équipe d'Argonaut composée de douze personnes (dont 2 femmes artistes, Soo Cole et Mel Amadi) pour le projet RD, nouvellement installée dans des bureaux à Edgware (une ville britannique, située dans le district londonien de Barnet), pouvait commencer la conception de Red Dog sur des cartes Power VR (SET 2) afin d'avoir les premiers rendus du jeu.
Matt Godbolt : «En fait, il a fallu un certain temps avant que tout le monde soit au même endroit pour créer ce jeu ! Je pense que nous avons changé de lieu 2 ou 3 fois en tant qu'équipe pendant son développement. Nous étions au milieu de l'étage, puis au rez-de-chaussée, puis à nouveau au milieu de l'étage (et puis un autre changement quand nous sommes passés au jeu SWAT ... une autre histoire... alors que nous avons également terminé la localisation US de Red Dog pour Crave.»
Les cartes Power VR, appelées également SET 2, étaient les premiers kits de développement de la Dreamcast. Il s'agissait de carte graphique PC qui permettait au studio de développement de débuter le développement de leur jeu en attendant le vrai kit de développement (SET 5) qui arrivera plus tard (plus de détails ici).
Matthew Porter : «Il y avait 2 noms de code de projet en discussion avant que la console ne s'appelle Dreamcast : Blackbelt et Katana. Il n'était pas tout à fait clair ce que le nom final ou les spécifications seraient pendant un certain temps. Je pense que nous avons obtenu des indications sur "l'ambition de viser quelque part entre la puissance du Model 2 (bone d'arcade de SEGA) et du Model 3 (évolution du Model 2) comme direction initiale.»
La vidéo promotionnel de Red Dog faite pour vendre l'idée à SEGA
C'est avec la Dreamcast que le PAL 60 hz était rentré dans le lexique du développement d'un jeu. Ça allait devenir une norme. L'un des membres du support technique de SEGA Europe avait mis cette option dans le SDK (un ensemble d'outils fourni avec une plateforme matérielle, un système d'exploitation ou un langage de programmation.) de la plateforme Dreamcast et avait fait pression pour qu'elle soit incluse dans tous les titres PAL. Sony, avec sa Playstation 2, prendra du temps pour proposer ses jeux avec le choix de la fréquences 50 ou 60 hz.
Avec la génération 128 bytes, SEGA voulait que tout se professionnalise réellement. Le constructeur japonais exigeait de recevoir les fichiers sources des textes utilisés dans le jeu (crédit, dialogue etc.) pour s'assurer que tout était légal et éviter certaines dérives.
Matthew Porter : «Dans des projets précédents, nous avions eu des appels à des amis/familles dans la liste des crédits, des références à nos joueurs de football préférés dans les noms des personnages du jeu etc. Avec Red Dog, tout est devenu un peu plus professionnel.»
SEGA était pointilleux avec Red Dog. La société avait menacé Argonaut de retiré le jeu car il ne possédait pas un éclairage dynamique.
Matthew Porter : «J'aurais aimé faire un meilleur travail sur l'éclairage dynamique. L'éclairage que nous avions était principalement le résultat du fait d'avoir passé un week-end entier à travailler dessus après que SEGA soit devenu un peu irritable. C'est un miracle que cela fonctionne. Mais vraiment, il aurait été encore plus agréable de le rendre plus sophistiqué.»
l'équipe de Croc avec Matthew Porter dans sa chemise à rayures à l'avant, à droite de la photo
Dans le parking de l'immeuble pendant une fête d'été, Matthew Godbolt porte le t-shirt beige Thundercats
Anna Larke testant Croc sur PS1
Artwork
L'équipe de conception utilisait 3D Studio Max (un éditeur conçu par Kinetix puis racheté par AutoDesk) comme environnement de travail pour placer les objets, les points de déclenchement, etc. À la fin, elle appuyait sur un gros bouton "exporter mon niveau" qui produisait une logique de script de jeu en C à partir des données mappées, construites en librairie statique, liées au moteur de jeu et lançait le jeu en prévisualisation.
Durant le développement de RD, un surprenant problème était intervenu. L'échelle était faussée involontairement. Le champ de vision, le manque de détails et l'angle de la caméra donnaient l'impression que le véhicule était un tank jouet dans une ville jouet dans certains niveaux. Ce souci de perspective fût corriger après s'en être beaucoup amusé !
Matt Godbolt : «Nous nous sommes beaucoup amusés avec notre équipe artistique. Je me souviens que Dave Taylor (l'artiste principal, je crois) appelait la maison du président "la souris du président" et dessinait une souris (à l'échelle réelle plutôt qu'à l'échelle "jouet" qu'il percevait) sur la façade de la maison...»
Les effets funky dont ils ont abusé :
Un des artistes (Leon ?) s'était procuré AfterFX et y avait trouvé un bel effet d'explosion en anneau. Cet effet a été assez rapidement intégré dans les builds en tant que partie des effets d'explosion de missiles. Il a été utilisé sur plusieurs autres effets de détonation par la suite.
Matt Godbolt avait créé un effet d'éclair à n'utiliser qu'une seule fois pour une arme spécifique d'un boss. L'effet étant sympa, il a très vite été utilisé partout au point que le Team dut finalement le réduire par la suite.
Matthew Porter : «ça a l'air super si on l'utilise ici, ici et oh... pourquoi pas ici aussi.»
Saviz Izadpanah avait codé des méchantes araignées. Elles étaient destinées à être combattue à un seul endroit. Finalement, elles peuvent être aperçues dans plusieurs maps du jeu.
Artwork
Red Dog est un jeu développé à une époque où l'industrie se cherchait et se métamorphosait. De nos jours, 20 créateurs pour confectionner un titre moyen seraient illusoires, on parle plutôt de 50-100 personnes avec un coût réparti sur l'ensemble du projet, à la fois interne et externe avec des équipes externalisées.
Matthew Porter : «Les valeurs de production ont augmenté en même temps que les générations de plates-formes, et l'encombrement supplémentaire des titres (GD-ROM vs Blu-Ray 50 double couche par exemple) peut amener une attente implicite de faire plus de contenu par titre. La complexité des titres (et la prévalence actuelle du multijoueur par rapport au début des années 2000) signifie que les équipes d'assurance qualité sont également plus importantes en moyenne aujourd'hui qu'à l'époque.»
Red Dog et sa commercialisation
Au volant d'un tank futuriste ultra perfectionné, le joueur évolue sur un terrain fortement accidenté. Le but est d'avancer à bord de son tout-terrain surnommé Red Dog (d'où le nom du jeu) en tuant tout ce qui bouge jusqu'à la confrontation avec le boss du niveau. L'univers est constitué tantôt de tunnels glauques remplis d'araignées biomécaniques, tantôt de bases extraterrestres truffées d'ennemis. Les ennemis peuvent venir de n'importe où.
L'ère de combat est la planète terre avec 15 différents environnements à visiter . La mission est simple mais compliquée puisque la difficulté était élevée. Elle consiste à débarrasser les continents des forces Haak désormais hostiles alors ques des accords commerciaux avaient été conclu avec les humains.
Red Dog se révèle être un jeu d'action classique avec ses nombreux styles d'ennemis, ses portes à déverrouiller pour franchir de nouvelles zones et ses bonus en tous genres à collecter (bouclier, armes, régnération du blindage etc.). RD aurait pu être un Rail Shooters !
Matthew Porter : «Je pense que j'étais bien décidé à faire un moteur de jeu On-Rails (j'étais à fond dans des choses comme Time Crisis, Starblade, etc.). Au moment où j'ai compris comment nous pourrions commencer, les autres programmeurs avaient en fait déjà écrit un moteur de rendu de terrain Free Roaming (mouvement libre).»
Là ou le jeu prenait tout son sens, comme souvent, c'était pour son mode multijoueur permettant jusqu'à 4 joueurs de s'affronter sur une même télévision. On pouvait alors choisir entre : Deathmatch, Bomb Tag (le chat et la souris), Knockout, Suicide bomb Tag, Stealth Assassin, Flag Runner et King of the Hill (prendre et défendre une zone). Il y avait de quoi faire pour passer une après-midi de franche rigolade avec ses amis !
Matt Godbolt : «Je pense que nous sommes tous très heureux de la façon dont le multijoueur est sorti. Sefton et Poz ont fait un excellent travail en équilibrant les niveaux, et nous avons pris plaisir à les jouer en équipe.»
Red Dog a été l'unique jeu d'Argonaut à sortir sur Dreamcast. Il y avait eu un autre prototype DC de rendu/jeu appelé "Blob" mais rien de réellement substantiel. Le moteur de RD sera utilisé ultérieurement pour un jeu Xbox : SWAT : Global Strike Team dont le nom de code était Kleanerz.
Matthew Porter : «Il était clair en 2000 que nous ne faisions pas beaucoup d'argent avec cette plateforme (la Dreamcast), et les équipes étaient passées aux nouveaux mondes de la PS2 et des premiers kits Xbox à cette époque.»
Pour la sortie de Red Dog aux États-Unis, l'éditeur changera. Ce ne sera plus SEGA mais Crave. Red dog Us n'est pas qu'un simple portage de la version européenne. Du nouveau contenu sera ajouté notamment en mode "Challenge".
Matthew Porter : «De mémoire, plutôt que de simplement porter la build pour les Etats-Unis et de changer le nom de l'éditeur, nous avons pris un peu plus de temps avec cette version pour ajouter de nouveaux jeux en mode Challenge. Je pense donc que la version américaine de RD est en fait la version définitive à posséder.»
Le prototype de Red Dog du 9 septembre 1999
Cette version prototypée est datée au 1 septembre 1999, environ 8 mois avant la version finale européenne. Le prototype a 7 tracks contraiement aux 3 pistes de la version finale.
Certains fichiers sont spécifiques à la build comme des niveaux (TRAIN.LVL et SWAMP.LVL par exemple) qui semblent avoir été coupés ou renommés ultérieurement. Malheureusement, ces maps sont incomplètes et ne peuvent être jouées en l'état (d'autre vérifications sont nécessaires). Les développeurs d'Argonauts ont également laissé, à l'intérieur du prototype, un fichier se nommant "SEGA.lib". SEGA.lib est un paquet contenant SEGA Ninja Library Ninja Ver 01000086. Aucune vérification n'a été faite pour savoir s'il s'agissait de versions existantes ou non car les fonctions sont connues (à contrôler).
Matthew Porter : «Le marais c'est RD sur un bateau au début avec une sorte de boss volant sur lequel j'ai passé des lustres et avec lequel je n'arrivais à rien rapidement.»
Comparaison extraction du contenu entre le prototype (à gauche) et la version finale à (droite)
Matt Godbolt : «Je crois qu'il y avait un niveau qui commençait avec RD qui entrait dans un train et qui se trouvait ensuite dans le wagon du haut, avec la locomotive qui se déplaçait sur un rail pendant que les ennemis volaient.»
Vous pouvez télécharger le fichier SEGA.Lib ci-dessous
Quelques différences
Ce prototype est compliqué à explorer. Les différences sont trop nombreuses pour toutes les énumérées. En voici quelques-unes :
Même si il n'est pas dans le prototype, le logo d'Argonaut
Impossible d'avancer plus loin dans ce niveau
Le prototype démarre directement sur l'écran titre (il sera modifié par la suite) de RD sans passer par les étapes de la fenêtre "Presented by Sega" et celle du logo du studio de développement.
Prototype
Finale
L'auto-démo, en appuyant sur aucun bouton à l'écran titre, n'est pas encore implantée.
L'icône qui s'affiche sur la carte mémoire mentionne "Red Dog c Argonaut 1999". Elle sera remplacée en version finale par une animation des lettres R et D se répétant. Attention, en branchant une VMU dans les 4 manettes de la console, lorsque le jeu démarre sur l'émulateur Demul (Flycast ne fonctionne pas pour ce prototype), l'écran reste noir/violet. Il doit s'agir d'un bug.
Objectif : tirer dans le tas
La mise en page des menus, l'arrière-plan et la police d'écriture ainsi que sa couleur ne correspondent pas entre la version finale et cette bêta.
Red Dog est peut-être enfin plus simple
En commençant une nouvelle partie, le prototype permet de choisir le niveau de difficulté chose qui n'est pas possible normalement.
Le roi scorpion
Le lieu d'apparition de RD dans les niveaux que ce soit en mode solo ou multijoueur peut différer d'une version à l'autre. Cette particularité est nettement visible pour le niveau "The Volcano" d'une partie en solitaire. L'interface joueur subira des modifications durant la suite du développement du jeu.
Matt Godbolt : «On l'a rendu sombre et sale. Je sais que Sega voulait plus d'effets de lumière.»
Le boss, un méchant scorpion, de la map "The Volcano" bug. Ses mécaniques de combat ne semblent pas encore au point. Une fois mort, il ne disparaît. Le jeu ne peut ainsi pas passer au niveau suivant.
Des éléments du décor seront ajustés lors de la sortie de Red Dog. Par exemple, dans l'arène multijoueur "Castle" de ce prototype, des rampes d'accès sont placées à d'autre endroits. Une grande partie des arènes portent des noms non définitifs. Elles sont également toutes déverrouillées sans avoir besoin de progresser normalement dans le jeu.
L'Audio ne correspond pas toujours entre le prototype et l'exemplaire commercial du jeu. Par exemple, le moteur du véhicule n'a aucun bruitage.
En jouant ce prototype, les joueurs ne reconnaîtront pas forcément le jeu d'Argonauts qu'ils ont l'habitude de jouer. Ils auront l'impression de s'amuser avec une toute autre version de Red Dog !
Vous pouvez cette télécharger cette build de Red Dog Dreamcast ci-dessous :
Les autres prototypes de Red Dog
Important :
Ces anciennes sorties de prototypes Dreamcast de Red Dog ont été dumpée à nouveau en utilisant les standards de Redump.org, donc elles utilisent le format .bin/.cue. Vous pouvez employer GDIDrop pour le convertir en .gdi si c'est ce que vous préférez. Un grand merci à Sazpaimon pour ses recherches sur les méthodes de vidage des GD-R. Plus d'informations à venir sur le site d'Hidden Palace !
Le code source de Red Dog
Le 26 septembre 2022, Matt Godbolt a pu partager de manière officielle le code source de Red Dog. C'est rare pour ne pas être souligné. Vous le retrouverez ci-dessous :
Je tiens à remercier Matthew Porter et Matt Godbolt : de leurs disponibilités, de leurs gentillesses, d'avoir pris le temps de répondre à mes questions et même plus. Leurs témoignages nous permettent de remonter le temps à l'époque du développement de Red Dog !
Je remercie tout le team impliqué dans le projet Red Dog (Mobygames).
Remerciements :
-
à Vince pour la correction anglaise du texte de l'article.
-
à VincentNL pour son expertise sur le fichier SEGA.Lib.
Les prototypes vraiment particuliers (grosses différences, Builds précoces, bizarres etc.) : Guilty Gear X Dreamcast - Dead or Alive II Dreamcast - PlanetWeb Browser Sonic Dreamcast - Virtual-On Oratorio Tangram Dreamcast - Spirit of Speed Dreamcast - Re-Volt Dreamcast - Phantasy Star Online Dreamcast - Bangai-O Dreamcast - F1 Racing Championship Dreamcast - Monaco Grand Prix Dreamcast - Rayman 2: The Great Escape Dreamcast - San Francisco Rush 2049 Dreamcast - Speed Devils Dreamcast - Wacky Races Dreamcast - Sega Worldwide Soccer 2000 Dreamcast - Spawn The Demons Hand Dreamcast - Evil Twin Dreamcast
Plus de 200 prototypes, documents, presskits ont été dumpés ou scannés, vous les retrouverez en libre téléchargement dans la rubrique "Releases de prototypes et documents"